2020 UN MILLÉSIME D’ÉLÉGANCE

2020 UN MILLÉSIME D’ÉLÉGANCE

La précocité du millésime 2020 avait été annoncée. Elle trouve ses racines en automne et en hiver 2019 du fait de pluies abondantes en octobre et novembre et de températures dépassant les normales dès le mois de décembre (+2°C). Cette tendance climatique s’est maintenue en début d’année 2020 sur toute la zone méditerranéenne : dans l’Hérault, le mois de février 2020 est le mois le plus chaud depuis 2001.

Le démarrage de la vigne a ainsi été très précoce, régulièrement avant la fin du mois de mars (premiers chardonnays le 9 mars à Puissalicon). Le risque de gelées était alors dans tous les esprits : pas d’épisode à déplorer en Languedoc, mais les Côtes du Rhône gardoises n’ont pas eu cette chance avec des gelées les 25 et 26 mars, accompagnée de neige le 26) dans la vallée de la Cèze. Un épisode de grêle très intense est également déploré le 29 mai sur Lirac, St-Laurent-des-Arbres, St-Geniès-de-Comolet.

UN PRINTEMPS AUX CONDITIONS FAVORABLES À LA VIGNE

En avril, les pluies de la 2ème quinzaine (entre 50 mm et 150 mm selon les secteurs) accompagnent sereinement le développement des végétations. Par ailleurs les sols se sont réchauffés rapidement au printemps, ce qui a conduit à de bonnes minéralisation et assimilations des éléments minéraux en pré-floraison (notamment en azote).

Début mai, les vignes sont plutôt vertes et poussantes (même si quelques chloroses et carences potassiques sont parfois visibles). Les charges sont régulières, avec localement quelques défauts de sorties sur cépages syrah, roussanne, viognier. On n’observe pas de contre-coup général de l’épisode caniculaire du 28 juin 2019 sur les initiations florales ; même si sur certains secteurs (pourtour de Montpellier) ou certains cépages (carignan), l’alternance de vigueur est visible.

À cette date, la floraison est par ailleurs déjà imminente sur les cépages précoces (certains chardonnays du biterrois ont des grappes fleuries) ; ailleurs dans le vignoble le stade Boutons Floraux Séparés est atteint sur la majorité des cépages. Et les bonnes conditions pour la floraison sont assez générales, on observe peu de phénomènes de coulure. Il y en a davantage sur les cépages ou secteurs tardifs ayant fleuri début juin, mais cette coulure a été rapidement compensée par le grossissement en vert des baies. La taille des grappes et des baies est également « remarquable » dans la phase herbacée et les végétations font oublier les maigres développements de 2019 : les feuillages sont denses et poussants. Il a fallu procéder aux premiers écimages dès la fin mai …

MAIS PROPICE AU MILDIOU

Cependant, cette météo favorable au démarrage de la vigne, est source de crainte sur le plan sanitaire.

En effet, la pluviométrie a été abondante, et atypique pour la période. Ponctué d’épisodes orageux en son début, le mois de mai affiche des cumuls de précipitations entre 50 et 150 mm selon un gradient croissant de la Vallée du Rhône vers l’ouest Languedoc. Certains secteurs de l’ouest Hérault (Minervois notamment) ont cumulé du 13 avril au 15 mai plus de 200 mm : un équinoxe printanier …

Dans la seconde quinzaine de mai c’est la chaleur qui s’installe : avec des températures moyennes pouvant aller jusqu’à +2°C par rapport à la normale et des températures estivales de 30°C atteintes en fin de mois. Ces conditions météorologiques associant pluviométrie régulière et températures élevées conduisent comme en 2018 à une pression « à grande échelle » pour le mildiou. Les 1ères taches sur feuilles sont apparues autour du 20 mai.

Au final les pertes de récolte ont été plus limitées qu’en 2018 (traitements préventifs, mieux renouvelés et fenêtres météo plus sèches fin mai). Une autre grande différence par rapport à 2018 : l’avance des stades phénologiques en 2020 qui a fait coïncider la phase épidémique du champignon avec la post-floraison à une période donc de relative moindre sensibilité (en 2018, attaque « destructrice » sur grappes en pré-floraison et floraison).

La vigilance a dû être maintenue jusqu’à fermeture de la grappe, voire véraison, sur les parcelles dont les grappes sont touchées. On dénombre des dégâts plus marqués sur l’ouest Hérault (zone plus arrosée fin avril, début mai).

Coté oïdium, s’il est resté discret en début de campagne, une explosion massive de symptômes est apparue en juillet (1ère quinzaine) sur les parcelles sensibles de chardonnay, de carignan voire de merlot. Seuls les poudrages répétés ont permis de contenir la progression du champignon jusqu’à véraison.

UNE PRÉCOCITÉ QUI SE CONFIRME EN DÉBUT D’ÉTÉ

En juin, nouveau changement de régime météorologique : la première quinzaine est marquée par la reprise de pluies orageuses (accompagnées localement de grêle) et le retour de températures plus fraîches et plutôt en dessous des autres millésimes au 15 juin. Pourtant les données de température, disponibles en fin de mois (26 juin), confirment un cumul élevé (somme de températures (en base 10)) se rapprochant de 2017 : 861°C en 2020 contre 844°C en 2017 et seulement 736°C en 2019.

Par la suite, même les rendements plus généreux cette année qu’en 2017 et les chaleurs de l’été n’ont pas modifié le profil précoce de ce millésime. Ainsi, les premiers raisins sont rentrés avant le 15 août (muscats secs, sauvignons frais), puis de manière plus soutenue à partir du 17 août en Languedoc. Idem pour les premiers blancs et rosés en Côtes du Rhône gardoises et début septembre pour les zones tardives (soit 7 à 10 jours d’avance).

L’été a été chaud sans pic caniculaire. Globalement le stress hydrique est apparu plutôt tardivement cette année, et ne s’est pas manifesté en sols profonds (effet des conditions favorables de printemps). Les situations de stress hydrique restent réservées aux hauts de coteaux, aux jeunes vignes (pour certains cépages plus sensibles comme la syrah) et certains terroirs de la vallée du Rhône (Plan de Dieu).

En pré-vendanges, les relevés climatiques attestaient d’une situation beaucoup plus favorable qu’en 2019 grâce aux deux périodes orageuses en Languedoc, le 12 août (10 à 30 mm selon les secteurs) et surtout les 28 et 29 août (20 à 60 mm selon les zones).

DES BLANCS ET ROSÉS GÉNÉREUX

Au vignoble, les charges sont dans l’ensemble régulières et la taille des grappes et des baies plus importante cette année. En blanc et rosé, les rendements sont au rendez-vous, avec des baies très juteuses (on a fréquemment plus de 80 % des jus récupérés à l’égouttage des pressoirs), de bonnes réserves d’acidité (les pH sont assez bas avec de bonnes teneurs en acide malique), et de beaux éclats aromatiques. Les notes thiolées sur les sauvignons, grenaches et syrahs rosés témoignent de la bonne préservation des précurseurs aromatiques en août.

Les teneurs en azote assimilable des moûts sont élevées : 182 mg/l en moyenne sur les contrôles de maturité et les analyses de moûts réalisées cette année au laboratoire (avec quelques records à plus de 500 mg/l !). Elles assurent des fermentations régulières et limitent les notes de réduction.

DES ÉTATS SANITAIRES À SURVEILLER

Suite aux pluies du 29 août, les périodes d’entrées maritimes se sont succédées, ponctuées par des journées de vent du nord assez limitées. Il a donc fallu rester très vigilants sur les états sanitaires : l’oïdium ou l’apparition de foyers de botrytis ou de moisissures a parfois accéléré les dates de récolte, sur Chardonnay notamment. En vallée du Rhône, les précipitations de la fin août sont restées plus modérées (19 mm à Carpentras, 24 mm Orange les 28 et 29 août).

Mais ce sont surtout les vers de grappes qui ont retenu notre attention cette année : l’eudemis tout d’abord, avec en fin de rémanence des traitements de fin août, ou même sur des secteurs confusés, quelques perforations ayant souvent entraîné le développement d’aspergillus (plus que de botrytis). Cette pression a concerné des zones jusqu’à présent épargnées, comme le Pic-St-Loup.

La « nouvelle tordeuse » Cryptoblabes gnidiella étend par ailleurs cette année sa zone de présence : on la trouvait jusqu’à présent sur les « littoraux » (Costières de Nîmes, pourtour de Montpellier, bassin de Thau, jusqu’aux Pyrénées Orientales). Cette année on l’a fréquemment observée dans ces secteurs, mais également plus en altitude vers les coteaux (Puissalicon, Côtes de Thongue et même dans le Faugérois).

DES MATURATIONS RESSERRÉES EN ROUGE

La récolte des rouges a également démarré très rapidement en août. Les précipitations de la fin août et le maintien de températures élevées jusqu’à mi-septembre, ont permis une maturation plutôt aboutie. Les cépages tardifs (grenache, mourvèdre, carignan) ont particulièrement bénéficié de ces conditions : leurs baies se sont gonflées (ou sont restées gonflées) et leur maturité ont évolué rapidement. Leur récolte s’est enchainée rapidement après celle des syrahs et merlots. C’est aussi l’une des caractéristiques de ce millésime en Languedoc : il n’y a pas eu la traditionnelle pause entre les cépages précoces et les cépages tardifs qui facilite la rotation dans l’usage de la cuverie.

En Vallée du Rhône, les précipitations ont été plus rares fin août (avec 19 mm à Carpentras et 24 mm à Orange les 28-29 août). Le Grenache, cépage qui fait l’objet de toutes les attentions, a connu une maturation progressive et aboutie même si les pellicules sont restées épaisses. Ce cépage a, cette année encore, fait parler son hétérogénéité « intra-grappe » qui pourrait expliquer la perception de fraîcheur particulière, malgré des TAV moyens parfois élevés. 

La dernière décade de septembre a été perturbée du point de vue météorologique. Le phénomène méditerranéen annoncé pour le 18 septembre (mais au final peu étendu), a accéléré la fin des vendanges en Languedoc, elles étaient ainsi dans la plupart des cas terminées à cette date. En Vallée du Rhône, l’accélération en fin de vendanges reste plus tardive qu’en Languedoc et elle a souvent fait suite aux pluies du 20 au 25 septembre (avec localement de la grêle). Les derniers raisins sont ainsi rentrés début octobre sur le secteur nord et le Ventoux, le Lubéron, Gigondas, Châteauneuf-du-Pape. Les grenaches tardifs présentent des degrés plus modérés.

BILAN QUANTITATIF ET QUALITATIF

Le niveau de récolte est à l’échelle nationale dans la fourchette haute par rapport aux dernières années, hormis les zones touchées par les accidents climatiques (Sud-Est). Les prévisions du Ministère de l’Agriculture concernant les volumes, s’élèvent en octobre à 12,88 M hL (source Agreste) pour le Languedoc-Roussillon soit 6 % de hausse par rapport à 2019. En revanche,  dans le Sud-Est, on assiste à une baisse de l’estimation de production de 4 % par rapport  à 2019 : 4,86 M hL contre 5 M hL en 2019 (source Agreste). Les accidents climatiques de 2020 et le bon niveau de récolte de 2019 (supérieur à la moyenne) expliquent cette tendance.

En cave, les fermentations se sont plutôt mieux déroulées cette année, malgré quelques situations plus languissantes (raisins vendangés aux heures chaudes jusqu’à mi-septembre, grenaches à fort degré). Les peaux épaisses sur certains cépages (grenache notamment) rendaient nécessaires le foulage et les délestages afin de limiter les relargages de sucres en fin de macération.

Les vins s’orientent vers des profils moins puissants qu’en 2019, avec beaucoup d’élégance et de fraîcheur, et des nez très aromatiques. A l’heure des assemblages, ils sont pour la plupart déjà en place.