Une campagne 2023 qui prend enfin son envol ?

Une campagne 2023 qui prend enfin son envol ?

La fin du mois de mai est marquée par la floraison des cépages précoces, et permet généralement de faire un point d’étape intéressant sur le début de saison. En effet, après 2 mois environ de végétation, le ton de la campagne est donné. Le leitmotiv de 2023 est de nouveau la sécheresse. Mais une évaluation plus précise du vignoble mérite d’être faite.

UNE MÉTÉO TRÈS SÈCHE AU DÉBOURREMENT, PUIS TRÈS INSTABLE À PARTIR DU 15 MAI

Les chiffres sont clairs : la pluie est rare dans les vignobles de l’Hérault, de l’Aude et du sud Vaucluse, un peu plus abondante au nord de Montpellier et dans le centre Gard. Les secteurs côtiers sont très déficitaires. Les 20 à 40 mm reçus la semaine dernière sont bienvenus mais ne changent pas la tendance globalement déficitaire.

Les graphiques ci-dessous reprennent les données de l’ouest Languedoc jusqu’au Vaucluse, en reflétant bien l’hétérogénéité des secteurs.

Tous les terroirs ont en commun une très faible pluviométrie de janvier à avril, qui n’a pas permis de recharger les sols. La pluviométrie en mai aura en revanche un effet de soutien significatif pour la vigne en Vallée du Rhône, Montpelliérais, nord du Gard. L’ouest Languedoc, déjà le plus déficitaire depuis l’automne, n’en bénéficiera pas, ou peu.

LES CONSÉQUENCES AU VIGNOBLE

Globalement, le débourrement n’a pas été “explosif” cette année, et s’est effectué à des dates moyennes, sans précocité particulière, le grenache étant sans doute un peu plus avancé que d’habitude. Les stades phénologiques se sont enchaînés assez tranquillement, avec les toutes premières fleurs visibles sur chardonnay à la mi-mai, mais une floraison qui s’est plutôt généralisée à partir du 25 mai. Il est trop tôt pour faire le point sur la coulure ; on peut présumer quand même, que la période fraîche et pluvieuse des 18-22 mai n’a pas été favorable au processus de floraison, même si les premières observations sur les grenaches précoces ne vont pas forcément dans ce sens. À suivre…

Cette croissance “sous contrôle” a permis des travaux en vert plus étalés qu’en 2022 (où le mois de mai avait vu la vigne aller très vite en termes de stades et de croissance végétative). Aujourd’hui, épamprages et ébourgeonnages s’achèvent, et les relevages sont en cours.

Sur le plan physiologique, on a vu peu de chlorose, même sur cépages sensibles comme la syrah ; l’humidité des sols est un des facteurs favorisant du phénomène, or les sols sont restés désespérément secs. On a davantage observé des tonalités “vert clair”, voire jaune pâle sur de nombreuses parcelles, traduisant une carence en azote, et un probable déficit d’absorption général. La minéralisation dans ces sols secs fait défaut, et il a fallu souvent apporter des corrections foliaires.

LE CAS PARTICULIER DES GRENACHES

Nous avions évoqué en début de saison les difficultés d’aoûtement, et donc de probable mise en réserve des grenaches. Ces craintes se sont confirmées après débourrement : de nombreux coursons sont restés secs, même si parfois les yeux de la couronne ont réussi à débourrer. Et l’impression générale des grenaches est restée celle de vignes peu végétatives parfois bloquées par leur forte sortie, dont les rameaux ont du mal à s’allonger.

 

Courson sec au débourrement (grenache Minervois)                      Grenache pâle et peu poussant mi-mai (Terrasses du Larzac)

Sur certains terroirs, ces difficultés s’expriment sur d’autres cépages, jusqu’à des plantiers de 2022 qui subissent une forte mortalité.

UN VIGNOBLE ENCORE SAIN, MAIS…

L’oïdium est de plus en plus visible sur les cépages sensibles (carignan, chardonnay notamment) avec des repiquages sur feuilles et pédicelles de grappes bien visibles. La première quinzaine de mai, très venteuse dans toute la région sud, n’a souvent pas permis un bon maintien des cadences de traitement ou, lorsqu’elles ont été respectées, la qualité des traitements a pu être inégale. Le mildiou reste sous contrôle dans les secteurs les plus secs, en revanche les secteurs bénits par les pluies (le montpelliérais notamment) voient désormais des sorties de rot gris sur grappe. La vigilance et la protection sont de mises pour les semaines à venir pour limiter les contaminations sur grappes et sur jeunes feuilles qui pourraient se poursuivre avec les orages. L’épidémie commence tard, mais elle commence !

Enfin, les symptômes de court-noué s’expriment de manière très forte cette année, la sécheresse limitant la vigueur déjà faible des ceps atteints.

LE TOURNANT DE LA MI-MAI

L’impression générale est contrastée entre les vignobles de plaine (ou les vignobles irrigués) et les parcelles de coteaux, et entre l’ouest Languedoc et le reste du vignoble.

Faible surface foliaire à la fin mai (Biterrois)

Dans le Biterrois et le secteur audois, les pluies ont été plus faibles depuis le 12 mai, et sur vignes non irriguées, les végétations ont déjà commencé à ralentir leur croissance, avec des apex très courts, parfois déjà recouverts (ce n’est pas le cas des syrahs toujours très “optimistes”, mais on le voit sur des grenaches ou des merlots, même des chardonnays vigoureux parfois). Il va être très difficile dans ces situations d’arriver en fin de saison avec une surface foliaire suffisante.

À l’opposé, on voit une reprise de croissance assez spectaculaire sur les secteurs moins déficitaires.

Le profil du millésime qui s’annonçait sec a pris un virage assez inattendu avec ce régime d’orages, annoncés pour presque une dizaine de jours encore.

Il restera sec, mais pas partout : on relèvera les cumuls de pluie à la fin juin pour un nouveau point d’étape.